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Dans la laine

J'ai installé mon atelier à l'école maternelle et primaire la Clé des Champs à Sainte-Marie-des-Champs pendant trois semaines. Avec les élèves, nous avons interrogé ce matériau laine, depuis l'élevage des brebis, en passant par les étapes de transformations de la laine, à travers des gestes collectifs, de cardage, tissage, couture, dessin et des temps d’explorations au dehors. Un grand merci à la Galerie Duchamp, aux institutrices et aux élèves pour leur accueil en Pays de Caux.

Légende : 

Lavage de la laine à la Paysagerie en Caux, feutrage de la laine Landes de Bretagne, vues d'atelier, "dessine-moi un mouton", filage de la laine Mérinos et Ile-de-France, explorations et esquisses à la recherche d'un lieu où faire pâturer un troupeau à proximité de l'école, images argentiques réalisées par les élèves pour documenter les gestes et les lieux. 

Vues d'exposition : tapisseries et coussins, laine Charollais et Mérinos.

Iconoclasses 27 résidence d'artiste en milieu scolaire à la galerie Duchamp, centre d’art contemporain d’intérêt national à Yvetot, mars 2025

Exposition collective "Inframince 6"

avec Charlotte Attal et Alexis Turgis

2 au 18 mai 2025, galerie Duchamp

Dans la laine
Dans la laine

Iconoclasses 27

Charlotte Attal, Camille Orlandini, Alexie Turgis

Poursuivant son investigation sur ce qui nous lie, sur “ce qui fait territoire”, cet hétéroclite et vivant accrochage fait suite aux 27e résidences Iconoclasses, qui permettent à de jeunes artistes de travailler sur un projet spécifique avec les établissements scolaires yvetotais et alentours. Cette restitution montre l’ensemble des travaux effectués dans les classes en regard du travail des artistes, dans une recherche de correspondances entre leurs pratiques et ce qui fut expérimenté avec plus de 320 élèves dans trois établissements scolaires.

Les trois artistes sélectionnées cette année - Charlotte Attal, Camille Orlandini, Alexie Turgis - se sont emparées d’une spécificité locale d’Yvetot ou de ses environs immédiats. Ainsi, Camille a travaillé avec de la laine de mouton brute, rappelant que le Pays de Caux fut longtemps une terre d’élevage ovin. Elle a ainsi invité les élèves de l’école primaire La clé des champs à Sainte-Marie-des-Champs à carder et tisser. Charlotte, avec la classe de CM2 de l’école Jean Prévost, s’est appropriée la langue cauchoise, transformant le geste d’écriture en signifiant identitaire. Avec les élèves du collège Albert Camus, Alexie s’est intéressée à la production traditionnelle de terre cuite.

De ces propositions, on comprendra qu’il s’agit avant tout de gestes : celui de l’écriture, qui vient métisser un territoire, faisant des allers-retours entre signifiés et signifiants ; celui, ancestral, du travail de la laine, qui permet de renouer des liens en même temps qu’il tisse la matière ; enfin, celui de la céramique, qui produit un objet du quotidien qui se fait le dépositaire d’une histoire, d’une anecdote à la manière des vaisselles décoratives.

Ces gestes racontent des histoires, des liens ; ils s’inscrivent à la fois dans une culture de l’échange et dans celle du terroir. Ainsi, le travail graphique de Charlotte Attal, avec son approche du métissage des signes, se saisit de la langue cauchoise pour en revendiquer la force évocatrice et l’identité. Une identité nourrie des apports que chaque enfant est venu interroger et s’approprier.De la même manière, en faisant carder et tresser la laine à toute une école, Camille Orlandini a recréé l’ambiance collective d’un savoir-faire oublié, autrefois pratiqué localement, mais dans une approche contemporaine et avec des enjeux actuels : qu’est-ce que la laine que les agriculteurs brûlent ou enterrent plutôt que de l’exploiter ? Quels sont les gestes disparus que nous activons, ensemble, dans une société de surconsommation de vêtements importés ? Enfin, Alexie Turgis, dont le travail consiste à retrouver un savoir-faire oublié dans la fabrication de contenants en terre, a su montrer qu’il était possible d’allier des préoccupations contemporaines (Nintendo Switch, Fortnite, Lewis Hamilton, équipes de foot...) à l’artisanat traditionnel, avec des gestes anciens et qui eux aussi n’ont plus vraiment cours. 

C’est sans doute en cela que Georges Bataille écrivait qu’il ne faut “pas faire l’erreur fondamentale du sol immobile” : le geste ancien, sans cesse réinvesti et repensé à la lumière de pratiques contemporaines, continue d’écrire une histoire qui se conjugue toujours au présent — c’est-à-dire qui s’enrichit en s’unissant à des voix, des modes, des temps, des personnes, et donc s’allie avec l’ailleurs et à l’autre : à l’“horsain”, puisque nous sommes en pays cauchois. 

Alexandre MARE

directeur de la galerie Duchamp

centre d’art d’intérêt national de la Ville d’Yvetot

© Camille Orlandini

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